Dans l’usage, offrir à quelqu’un le gîte et le couvert, c’est lui offrir un endroit où passer la nuit (le gîte) et de quoi manger (le couvert). Bien que le couvert puisse s’entendre comme tout ce que l’on dispose sur la table en vue d’un repas, dans cette expression il s’agit de ce que l’on appelle une synecdoque, c’est-à-dire une figure de style consistant à donner à un mot un sens plus large ou plus restreint que celui qu’il a ordinairement. Ici, le couvert désigne non pas les ustensiles qui nous servent à manger, mais le toit couvrant une habitation. On lui donne donc un sens plus large ; on emploie la partie pour désigner le tout. Le sens de couvert est ici à rapprocher de celui que l’on trouve dans l’expression « le clos et le couvert », qui est, dans la loi, ce que doit le bailleur à son locataire : la clôture (la fermeture : murs, portes, fenêtres…) et la toiture, soit tout ce qui permet au logement d’être sain et bien isolé afin de résister aux intempéries.
Dire que l’on offre « le gîte et le couvert » revient donc à dire que l’on offre « l’endroit où passer la nuit et le toit », ce qui est un pléonasme…
L’expression correcte est « le vivre et le couvert », où vivre a le sens de nourriture, et couvert celui de toit.
La langue évoluant, il est fort probable que le sens récent de couvert dans « le gîte et le couvert » supplante son sens premier, et dans ce cas on pourra employer cette expression dérivée sans craindre le pléonasme.
Si nous poussions la réflexion jusqu’à atteindre les limites de l’improbable, nous dirions que la confusion pourrait un jour porter non plus sur le sens de couvert (qui serait alors accepté comme désignant le repas), mais sur celui de gîte, qui désigne également une partie (comestible) de la jambe arrière des bovins. Naîtrait alors un nouveau pléonasme (toujours par synecdoque) signifiant cette fois « la nourriture et le repas »… À moins que couvert ne retrouve entre-temps son sens originel ; l’expression serait alors à nouveau recevable. Il s’agit bien sûr d’une évolution fantaisiste, mais qui a le mérite de montrer l’importance du sens des mots.
Mieux vaut donc s’en tenir à l’expression correcte si l’on souhaite être sûr de ne manquer de rien.
Très intéressant.
Et bravo pour la chute mon cher 😉
C’est un plaisir 🙂
Bonjour et félicitations pour cette explication. Je suis venu sur votre blog parce que je viens de lire un article dénonçant les nouveaux pléonasmes de la langue française et citant “le gîte et le couvert” comme un pléonasme ancien, passé dans l’usage. J’avais entendu une autre explication de cette expression et qui ne passait pas par le pléonasme apparemment créé par la notion de gîte (abri…) avec celle de couvert (toit…) que vous définissez parfaitement, mais rapprochait le mot “couvert” de l’expression “mettre le couvert” qui aurait voulu dire autrefois “apporter ce qui recouvre la table” (la nourriture donc…) et qui s’est conservé dans les couverts (fourchettes, cuillers, couteaux…). À cette époque la table n’était pas un meuble plus ou moins fixe, mais un panneau que l’on posait sur des tréteaux là où l’on souhaitait manger.
Je soumets donc cette explication à votre sagacité.
Bonne soirée
Bonjour Pierre, et merci pour votre message. Votre explication est intéressante, mais elle est extrêmement proche du pléonasme dénoncé (et attesté par les dictionnaires). En outre, dans l’expression “mettre le couvert”, ce dernier terme désigne au départ non pas “tout ce qui recouvre la table”, mais le linge servant de “couverture” ou de “couvercle” disposé par-dessus les plats, pour signifier qu’ils avaient été préservés de tout empoisonnement. Ce qui rejoint un peu l’idée de “toit” servant à protéger.
Par ailleurs, le parallèle avec l’expression “le clos et le couvert” ne laisse, il me semble, aucun doute sur le sens originel de ce mot (la couverture, la toiture).
Bien à vous
Heureux de voir dénoncer ce stupide pléonasme, que l’on retrouve, hélas, sous la plume d’au moins un académicien, ainsi que sous celle d’un “éminent philologue”, aujourd’hui décédé. La profession de couvreur devrait pourtant attirer l’attention.
Par ailleurs, une autre expression incorrecte sévit depuis des années: “sous couvert de”, au lieu de “sous LE couvert de”, et où, s’agissant de courrier, couvert signifie enveloppe. Le mot nous a d’ailleurs été emprunté dans ce sens par nos voisins germanophones (suisses et certains allemands.)
“Sous le couvert de Mr X” signifie “à l’adresse de Mr X”, “aux bons soins de Mr X.”
Le comble de l’ignorance est alors atteint dans l’expression “sous couvert d’anonymat”, qui, outre sa construction défectueuse, est totalement absurde.