Voici l’un des problèmes les plus persistants de la langue française. Par contre et en revanche recèlent bien des subtilités auxquelles nous ne pensons pas lorsque nous les employons (le plus souvent indifféremment). Si de nombreux cas permettent l’emploi – au choix – des deux termes, il est certains exemples qui n’en autorisent qu’un seul. C’est Voltaire qui le premier attaqua l’emploi de la locution par contre, estimant que celle-ci ne devait être réservée qu’au seul usage commercial (car étant l’ellipse de « par contre-envoi », selon Littré).
Par contre a la réputation d’appartenir à un langage moins soutenu que en revanche. Cependant, comme l’affirme André Gide dans l’une de ses Interviews imaginaires (1943), en revanche ne peut remplacer par contre systématiquement, cette dernière locution trouvant parfois une légitimité que l’on ne peut discuter :
Je sais bien que Voltaire et Littré proscrivent cette locution ; mais « en revanche » et « en compensation », formules de remplacement que Littré propose, ne me paraissent pas toujours convenables. […] Trouveriez-vous décent qu’une femme vous dise : « Oui, mon frère et mon mari sont revenus saufs de la guerre ; en revanche j’y ai perdu mes deux fils » ? ou « la moisson n’a pas été mauvaise, mais en compensation toutes les pommes de terre ont pourri » ? […] « Par contre » m’est nécessaire et, me pardonne Littré, je m’y tiens.
L’Académie française reste frileuse sur le sujet, déconseillant par prudence l’emploi de par contre, qu’elle juge impropre (sans grande conviction toutefois), tout en concédant que la locution n’est pas fautive. La distinction entre les deux expressions apparaît pourtant clairement dans les exemples donnés par Gide.
- En revanche implique l’idée d’un avantage, d’une compensation, et son emploi est à privilégier lorsqu’on souhaite insister sur le caractère positif du second énoncé. L’emploi de par contre est également possible dans ce cas, mais considéré comme moins élégant.
Jules a été licencié ; en revanche, il vient de gagner au loto. (On retrouve bien ici l’idée de compensation. Par contre serait également autorisé, mais moins pertinent.)
- Par contre, plus neutre, n’exprime généralement qu’une simple opposition entre deux énoncés. Il implique aussi bien un avantage qu’un inconvénient, mais on remarque qu’il s’emploie le plus souvent pour introduire un élément neutre ou négatif.
Jules vient de gagner au loto ; par contre, il a été licencié. (Et non en revanche, car Jules ne tire aucun bénéfice d’avoir été licencié.)
- D’aucuns estiment plus simplement que par contre doit s’employer lorsque l’idée exprimée dans la seconde partie de la phrase s’oppose à celle contenue dans la première, et que en revanche s’emploie lorsqu’il n’y a pas d’opposition entre les deux idées (la notion de compensation n’interfère donc pas). Ainsi :
Jules est d’une timidité maladive avec les inconnus. Par contre, il fait preuve d’une assurance redoutable en présence de ses proches.
Jules est d’une timidité maladive avec les inconnus. En revanche, c’est une personne d’une rare gentillesse.
En cas d’hésitation, il est toujours possible d’éviter la difficulté en utilisant, selon le contexte : mais, en compensation, en contrepartie, au contraire, à l’inverse, à l’opposé, mais d’un autre côté, mais d’autre part, cela dit…
Hello !
Une petite réflexion autour de la virgule — en anglais/américain.
Inspiration pour ton 103ème article ?
😉
http://opinionator.blogs.nytimes.com/2012/05/21/the-most-comma-mistakes/
Hello Sam,
Nous avons les mêmes subtilités en français. Une virgule peut changer le sens d’une phrase.
Le film de Tarantino, Pulp Fiction, est sorti en 1994 sous-entend que Tarantino n’a fait que ce film-là.
Le film de Tarantino Pulp Fiction est sorti en 1994 sous-entend qu’il en a fait d’autres.
Très bonne suggestion d’article, je note cette idée 😉
A propos de “en revanche”.
Vous l’avez peut-être remarqué, il arrive fréquemment que “en revanche” soit prononcé avec beaucoup d’emphase, en insistant sur la finale. Alors que “par contre” se fait plus modeste.
Je pense qu’André Gide — dont la pureté de la langue est exemplaire — a parfaitement tranché l’affaire.
Quant aux autres outils dont dispose le français pour marquer une ils sont nombreux, avec les tandis que, alors que, à l’inverse, au contraire, et une espèce d’avatar de ces dernier qu’est le “que” parlé.
Jacques Cellard ne l’avait pas condamné dans la langue parlée, le trouvant efficace dans les conversations entendues, dans le métro, je crois.
Qu’elle revanche avait donc à prendre Voltaire?
Mea culpa pour omissions et fautes d’accord.
A trop regarder son clavier…
Bernard Huet