Parmi les expressions courantes dont on ne se doute pas qu’elles puissent être problématiques, « bayer aux corneilles » est sans doute celle qui remporte la palme de la coquetterie linguistique, et ce, pour deux raisons : la première est qu’elle contient un verbe qui ne s’emploie plus guère que dans cette expression (bayer) ; la seconde est que ce verbe possède un sens très proche de son homophone bâiller, avec lequel il partage la même origine latine (badare).
Si aucune différence n’apparaît à l’oral entre ces deux verbes, qui se prononcent exactement de la même manière, il faut pourtant les distinguer à l’écrit.
- Bâiller (de fatigue, d’ennui…) signifie « respirer profondément en ouvrant largement la bouche ».
- Bayer, quant à lui, est une autre forme de béer et signifie « ouvrir grand la bouche (d’étonnement) ».
La différence est ténue et l’on pourrait penser que les deux verbes sont interchangeables dans cette expression, du fait que « bâiller aux corneilles » est tout aussi imagé que l’expression consacrée et traduit tout autant l’idée de contemplation sans intérêt, de perte de temps… Pourtant la subtilité perdure.
Quant aux corneilles, elles étaient autrefois considérées comme un gibier insignifiant, et bayer bêtement devant elles revient de ce fait à ne rien accomplir d’utile.
L’expression « bayer aux corneilles », qui seule est correcte, signifie donc « regarder niaisement en l’air, la bouche ouverte » et par extension « rêvasser », « ne rien faire ».
Très jolie, la “coquetterie linguistique” !
Merci de nous cultiver avec style.
Aude
les pendus des gibets baillaient aux corneilles… qui leur avaient dévoré les joues !!!
Venu à la base pour “frais et dispos”, passant de “écaler” en “Répartir de zéro”, je découvre aujourd’hui, et je suis déjà fan ! Bravo et Merci.