Prodige et prodigue sont souvent confondus dans les expressions enfant prodige et enfant prodigue, qui existent toutes deux mais n’ont pas le même sens.
- Prodige est un nom qui désigne au départ un phénomène miraculeux, puis, par extension, une personne qui manifeste un talent hors du commun. On cite souvent Mozart comme le parangon de l’enfant prodige.
L’enfant prodige, c’est donc l’enfant doué, précoce, qui excelle dans un ou plusieurs domaines. Le caractère prodigieux est dans cette expression d’autant plus marqué qu’il est associé à l’enfant.
- Prodigue est un adjectif (bien qu’il puisse être substantivé) qui qualifie une personne dépensière, gaspilleuse, mais aussi généreuse (on peut être prodigue de compliments, de conseils, de son temps…). Il qualifie également une personne qui revient chez elle après une longue absence. Ces deux définitions de prodigue viennent de la parabole évangélique du fils prodigue (Luc, XV, 11 – 32), où elles ne sont pas dissociées (la ruine provoquant le retour) : Un père avait deux fils, dont le plus jeune lui demanda un jour sa part d’héritage afin de s’en aller découvrir le monde. Il la dilapida en menant une vie de débauche et revint, repentant, au service de son père, qui l’accueillit à bras ouverts. (Voir plus bas la retranscription.)
L’enfant prodigue, ou fils prodigue, est donc celui qui revient chez lui après une absence prolongée, souvent à la suite d’un revers. Le sens premier lié à la dissipation de la fortune a aujourd’hui disparu.
Voici retranscrite la parabole de la miséricorde évoquée ci-dessus :
15:11 Il [Jésus] dit encore : « Un homme avait deux fils.
15:12 Le plus jeune dit à son père : Mon père, donne-moi la part du bien qui doit me revenir. Et le père leur partagea son bien.
15:13 Peu de jours après, le plus jeune fils, ayant rassemblé tout ce qu’il avait, partit pour un pays lointain, et il y dissipa son bien en vivant dans la débauche.
15:14 Lorsqu’il eut tout dépensé, une grande famine survint dans ce pays, et il commença à sentir le besoin.
15:15 S’en allant donc, il se mit au service d’un habitant du pays, qui l’envoya à sa maison des champs pour garder les pourceaux.
15:16 Il eût bien voulu se rassasier des gousses que mangeaient les pourceaux, mais personne ne lui en donnait.
15:17 Alors, rentrant en lui-même, il dit : Combien de mercenaires de mon père ont du pain en abondance, et moi je meurs ici de faim !
15:18 Je me lèverai et j’irai à mon père, et je lui dirai : Mon père, j’ai péché contre le ciel et envers toi ;
15:19 je ne mérite plus d’être appelé ton fils ; traite-moi comme l’un de tes mercenaires.
15:20 Et il se leva, et il alla vers son père. Comme il était encore loin, son père le vit, et, tout ému, il accourut, se jeta à son cou, et le couvrit de baisers.
15:21 Son fils lui dit : Mon père, j’ai péché contre le ciel et envers toi ; je ne mérite plus d’être appelé ton fils.
15:22 Mais le père dit à ses serviteurs : Apportez la plus belle robe et l’en revêtez ; mettez-lui un anneau au doigt et des souliers aux pieds.
15:23 Amenez aussi le veau gras et tuez-le. Faisons un festin de réjouissance ;
15:24 car mon fils que voici était mort, et il est revenu à la vie ; il était perdu, et il est retrouvé. Et ils se mirent à faire fête.
15:25 Or, le fils aîné était dans les champs. Comme il revenait et approchait de la maison, il entendit de la musique et des danses.
15:26 Appelant un des serviteurs, il lui demanda ce que c’était.
15:27 Le serviteur lui dit : Ton frère est arrivé, et ton père a tué le veau gras, parce qu’il l’a recouvré sain et sauf.
15:28 Mais il se mit en colère et ne voulut pas entrer. Le père sortit donc, et se mit à le prier.
15:29 Il répondit à son père : Voilà tant d’années que je te sers, sans avoir jamais transgressé tes ordres, et jamais tu ne m’as donné, à moi, un chevreau pour festoyer avec mes amis.
15:30 Et quand cet autre fils, qui a dévoré ton bien avec des courtisanes, arrive, tu tues pour lui le veau gras !
15:31 Le père lui dit : Toi mon fils, tu es toujours avec moi, et tout ce que j’ai est à toi.
15:32 Mais il fallait bien faire un festin et se réjouir, parce que ton frère que voilà était mort, et qu’il est revenu à la vie ; il était perdu, et il est retrouvé. »
Bible pour notre temps, Paris, Mame, 1970.
D’après la traduction du chanoine Crampon,
avec des modifications de Joseph Dheilly.