Chacun sait ce qu’implique comme gêne et comme risques potentiels le priapisme, trouble physique hautement embarrassant pour qui en est atteint. Mais ce que chacun ne sait pas toujours, c’est d’où cette « maladie » tire son nom.
Pour les plus ingénus qui ignorent l’existence même de cette affection, rendez-vous en fin d’article*.
Dans la mythologie grecque, Priape, fils de Dionysos et d’Aphrodite, est le dieu des jardins et des vergers, représentant la vigueur génératrice. Il est doté dès sa naissance d’un énorme phallus.
Comme souvent dans la mythologie, plusieurs versions du mythe existent. Selon l’une d’elles, Priape serait en fait le fruit de l’union de Zeus et d’Aphrodite. Pour se venger de cette trahison, Héra, femme légitime de Zeus, aurait posé sa main sur le ventre de sa rivale avant qu’elle n’accouche, provoquant chez l’enfant la laideur et la difformité qu’on lui connaît. Aphrodite éprouva un tel dégoût à la vue du nouveau-né qu’elle abandonna ce fils infortuné.
Lorsque adulte Priape s’éprit de la déesse Hestia (appelée Vesta dans la mythologie romaine) et qu’il essaya de la violer alors qu’elle était endormie, un âne se mit à braire et réveilla la jeune femme, qui échappa de peu à son lubrique assaillant. De là naîtrait l’aversion de Priape pour les ânes.
Vesta, couchée, se livre en sécurité aux douceurs du sommeil, appuyant négligemment sa tête sur un banc de gazon. Le rubicond gardien des jardins, qui convoite nymphes et déesses, va rôdant de toutes parts. Il aperçoit Vesta ; la prit-il pour une nymphe, ou reconnut-il Vesta ? on ne sait. Priape affirme ne pas l’avoir reconnue. Un désir lubrique s’éveille en lui ; le voilà qui s’approche furtivement ; son pied touche à peine la terre ; son cœur bat avec violence. Le hasard voulut que l’âne qu’avait amené le vieux Silène eût été laissé sur les bords d’un ruisseau murmurant. Déjà le dieu du long Hellespont allait en venir à ses fins, quand, bien mal à propos, l’animal se mit à braire. À cette voix retentissante, la déesse se réveille en sursaut ; une foule nombreuse accourt ; Priape ne se dérobe que par la fuite à des mains vengeresses.
Ovide, Fastes, VI (631 – 644), Nisard (trad.), 1857
Plus loin dans son ouvrage, Ovide relate le même épisode en désignant cette fois la nymphe Lotis comme étant l’objet du désir de Priape. Ce dernier, pour avoir vu ses plans contrariés, aurait tué l’âne.
La nuit vient ; vaincus par l’ivresse, les dieux sont étendus çà et là, et s’abandonnent au sommeil. Fatiguée de ses jeux folâtres, Lotis repose à l’écart sur l’herbe touffue, sous un bosquet d’érables. Priape se lève, et retenant son souffle, et de son pied effleurant à peine la terre, il s’avance doucement et sans bruit. Arrivé vers la retraite où dort la belle nymphe, il voudrait ne pas respirer, de peur que son haleine ne la réveille. Déjà il se balance près d’elle ; il touche à son lit de gazon, et cependant elle reste profondément assoupie. Transporté de joie, il soulève le voile qui couvre les pieds de Lotis, et, au moment où une route charmante va le conduire au terme de ses vœux, ô contretemps fatal ! on entend braire soudain la rauque monture de Silène. La nymphe effrayée se lève ; ses mains repoussent le dieu, et, en fuyant, elle fait retentir la forêt de ses cris, tandis que la lune, éclairant la honte de Priape, le livre à la risée de tous, encore tout armé pour les luttes de l’amour. L’âne paya de sa vie le cri qu’il avait poussé, et c’est, depuis cette aventure, la victime la plus agréable au dieu de l’Hellespont.
Ovide, Fastes, VI (421 – 440), Nisard (trad.), 1857
Dans ses Métamorphoses, Ovide toujours fait une allusion furtive à ce même événement en indiquant toutefois que Lotis, dans sa fuite, se transforma en l’arbuste qui porte son nom, le lotus.
Enfin des bergers nous apprirent, mais trop tard, que la nymphe Lotos [Lotis], fuyant l’amour infâme de Priape, avait été changée en cet arbre qui conserva son nom.
Ovide, Métamorphoses, IX (346 – 348), Nisard (trad.), 1850
On donne une autre explication de cette haine pour les ânes. Priape voulut comparer l’objet de sa fierté aux attributs de cet animal, lequel n’eut finalement pas à rougir de la comparaison. Vexé et atteint dans sa virilité, Priape battit l’âne à mort.
* Le priapisme est une pathologie qui consiste en une érection douloureuse et persistante du pénis en l’absence de toute stimulation. Un homme atteint de priapisme, s’il ne consulte pas un médecin dans les quelques heures qui suivent la déclaration de son mal, risque à terme l’impuissance.