Bayer aux corneilles / Bâiller aux corneilles 3

Parmi les ex­pres­sions cou­rantes dont on ne se doute pas qu’elles puissent être pro­blé­ma­tiques, « bayer aux cor­neilles » est sans doute celle qui rem­porte la palme de la co­quet­te­rie lin­guis­tique, et ce, pour deux rai­sons : la pre­mière est qu’elle contient un verbe qui ne s’emploie plus guère que dans cette ex­pres­sion (bayer) ; la se­conde est que ce verbe pos­sède un sens très proche de son ho­mo­phone bâiller, avec le­quel il par­tage la même ori­gine la­tine (ba­dare).

Si au­cune dif­fé­rence n’apparaît à l’oral entre ces deux verbes, qui se pro­noncent exac­te­ment de la même ma­nière, il faut pour­tant les dis­tin­guer à l’écrit.

- Bâiller (de fa­tigue, d’ennui…) si­gni­fie « res­pi­rer pro­fon­dé­ment en ou­vrant lar­ge­ment la bouche ».

- Bayer, quant à lui, est une autre forme de béer et si­gni­fie « ou­vrir grand la bouche (d’étonnement) ».

La dif­fé­rence est té­nue et l’on pour­rait pen­ser que les deux verbes sont in­ter­chan­geables dans cette ex­pres­sion, du fait que « bâiller aux cor­neilles » est tout aussi imagé que l’expression consa­crée et tra­duit tout au­tant l’idée de contem­pla­tion sans in­té­rêt, de perte de temps… Pour­tant la sub­ti­lité perdure.

Quant aux cor­neilles, elles étaient au­tre­fois consi­dé­rées comme un gi­bier in­si­gni­fiant, et bayer bê­te­ment de­vant elles re­vient de ce fait à ne rien ac­com­plir d’utile.

L’expression « bayer aux cor­neilles », qui seule est cor­recte, si­gni­fie donc « re­gar­der niai­se­ment en l’air, la bouche ou­verte » et par ex­ten­sion « rê­vas­ser », « ne rien faire ».

 

3 thoughts on “Bayer aux corneilles / Bâiller aux corneilles

  1. Aude Juil 26,2016 21:41

    Très jo­lie, la “co­quet­te­rie linguistique” !

    Merci de nous culti­ver avec style.

    Aude

  2. alain Jan 6,2017 19:09

    les pen­dus des gi­bets baillaient aux cor­neilles… qui leur avaient dé­voré les joues !!!

  3. Curtis Jan 13,2017 15:19

    Venu à la base pour “frais et dis­pos”, pas­sant de “éca­ler” en “Ré­par­tir de zéro”, je dé­couvre au­jourd’­hui, et je suis déjà fan ! Bravo et Merci.

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